Mauro Serri
L'émission "blues" de radio RDL Colmar animée par Jean-Luc et David BAERST

Mauro, tu rends une visite à « Route 66 » en compagnie de Charlie Fabert. Voir un musicien qui a ton « vécu » et ton passé encore s’intéresser à de jeunes guitaristes et très touchant. D’autant plus que tu ne te contentes pas de lui envoyer un mail de félicitations : tu vas à sa rencontre et tu n’hésites pas à faire une tournée avec lui…
J’aime beaucoup la guitare quand elle est bien jouée…
Dans ce cas précis, je fais une « bonne oeuvre » tout en y participant. Quand je rencontre un jeune qui est très doué et s’il y a moyen, ne serait-ce que, de l’aiguiller un tout petit peu, je suis content !
Je ne cherche pas à être son coach ou son producteur. D’ailleurs, Charlie t’a avoué qu’il était relativement dirigiste, ce qui est une bonne qualité dans ce milieu.
Les sidemen - dont je suis - savent complètement oublier leur ego quand il s’agit d’agir pour le bien être d’une cause. Quand les musiciens de Charlie jouent avec lui, ils n’ont qu’à l’écouter. Il faut qu’ils obéissent…
Pour moi, à la base, il y a des dirigeants et des dirigés !

Ton cursus est absolument exceptionnel, je ne sais pas par quoi commencer… Comment peux-tu résumer ton parcours ?
Au début, tu fais comme tout le monde. Tu es un peu doué, donc tu « montes » des groupes avec des potes puis des gens te remarquent. Tu commences à être contacté pour des sessions d’enregistrement et c’est comme cela que ça démarre…
Entre les séances en studio et les concerts, j’ai connu  toute la bande à Patrick Verbeke. C’était bien avant que ce dernier ne devienne leader sous son propre nom…

Etait-ce à l’époque du groupe Magnum ?
Oh, tu connais ça…
Oui absolument c’était à cette période avec Jacky Chalard, Jean-Pierre Prévotat, Jean-Yves d’Angelo…
J’étais guitariste avec Patrick Verbeke. En 1977 nous avions fait un album pour la chanteuse Linda Keel. Auparavant j’avais participé à un album (jamais sorti) pour Mark Robson et Le Poing, un groupe 100% Rock’n’roll pour lequel j’avais cosigné des chansons.
Ces titres existent toujours à l’état de bandes et me procurent encore des droits…
De fil en aiguille, j’ai été amené à rencontrer un journaliste, Daniel Perraud, qui avait un petit magazine luxueux nommé Rock’n’Roll Musique. Il m’a branché sur le chanteur Christophe et Mike Lécuyer qui a été le premier à m’encourager à m’inscrire à la Sacem.
De 1975 à 1980 ma carrière a connue un véritable envol…
J’ai aussi connu Joël Daydé et enregistré un album avec Christian Descamps du groupe Ange qui était, justement, le producteur de Mike Lécuyer.
Puis j’ai rencontré, via mon alter ego le bassiste Rolly Lucot, Jean-Jacques Milteau que je connaissais déjà un petit peu.
Nous sommes devenus une « cellule » jouant avec Milteau jusqu’à ce que ce dernier sorte son joker en nous intégrant au premier album de Bill Deraime. Nous étions quelques français sur ce disque mais la majorité des musiciens composaient le groupe américain qui accompagnait alors Eddy Mitchell.
Le fait d’entendre un artiste français avec un telle voix m’a immédiatement fait tombé « amoureux » de Deraime. Avec le groupe de Milteau, nous avons commencé à tourner avec lui, passant dans des endroits très fréquentés par les gens du spectacle. De ce fait, nous nous sommes rapidement forgés la réputation d’être la rythmique la plus demandée du moment…
Monsieur Eddy Mitchell est venu nous écouter en concert et lors de sessions d’enregistrement. D’ailleurs, pour anecdote, toutes mes parties de guitare sur « Plus la Peine de Frimer » ont été faites en présence d’Eddy Mitchell. De l‘intro au final j‘ai enregistré tout ce morceau en une seule prise...
J’ai été « embauché » par Eddy Mitchell pendant une dizaine d’années tout en continuant à travailler avec Bill. J’ai fait un album commun avec Jean-Jacques Milteau sous nos deux noms « Milteau-Serri ».
Avec le « gars » Deraime, en dehors de mes arrangements et rajouts d’harmonies puisqu’on me surnomme le « Maître du Temple de l’Harmonie » (rires), je n’ai co-écrit qu’une chanson « La Collectionneuse » qui figure sur mon album « Live au Cristal ».
Je continue de travailler avec Bill tout en faisant mes propres groupes et en me mettant au service d’artistes dès l’instant où ce qu’ils font me plait.

Même au moment où tu te produisais sur de grandes scènes, tu as continué à fréquenter les Clubs. Cela t’a permis de rencontrer de nombreux artistes parmi lesquels de grands bluesmen américains. Parmi eux il y a Champion Jack Dupree avec lequel tu as donné un concert marathon (en 1986, Nda) de 5 heures à l’Utopia…
Absolument !
J’aimerais bien avoir la bande d’ailleurs, elle existe en intégralité dans les archives de l’Utopia.
Cela fait 15 ans que le propriétaire du lieu m’a promis de remettre la main dessus (rires)…
Je jouais en électro-acoustique et Champion Jack Dupree était au piano…

Ce concert a-t-il été fait au débotté, était-ce une jam ?
Oui, complètement, pas de ton !
Je me suis uniquement servi de mes grandes oreilles et de ma compréhension analytique de la musique (rires)…

Mais qu’aviez-vous joué pendant 5 heures ?
Des morceaux à lui mais je pense que ce garçon là improvisait beaucoup…
C’était des histoires à l’image de celles de John Lee Hooker qui était le spécialiste du genre.
Il parait que pour ce dernier il ne fallait jamais répéter car de toute façon, pendant l’enregistrement, il mettait toujours en forme un truc différent de ce qui aurait pu être prévu…
Ces gens là créaient sans cesse…
Heureusement j’ai réussi à l’accompagner !
Il m’a fait un beau compliment car, lui, n’arrêtait pas de « brasser » sur le vin en disant des choses telles que « Where is my wine, no wine no music ! »…
Alors qu’à moi il m’a dit « I can’t believe how a Young man like you can play the blues and drink orange juice. How do you that ? »…

En dehors de lui quels sont les autres grands musiciens américains que tu as côtoyés ?
J’ai rencontré Steve Cropper qui était l’auteur du tube « The Dock Of the Bay » d’Otis Redding que Bill Deraime avait décidé d’adapter en français. Nous étions allés lui faire écouter la version française et lui traduire le texte…
C’était en Californie…
Je suis aussi allé à Nashville où j’ai joué avec le groupe de Charlie Mc Coy, Barefoot Jerry…
J’ai également connu Luther Allison qui ne savait pas prononcer mon nom d’origine italienne. De ce fait, pour parler de moi, il disait « The italian guitar hero » (rires)…

 

Tu es reconnu comme étant un très grand  sessionman. Cela s’est fait au détriment de ta carrière solo, n’est-ce pas trop frustrant ?
Quand le mec veut vraiment être devant, il est devant !
Je pense que, secrètement, je n’ai jamais eu envie d’être devant. Peut être même que je suis un dégonflé !
Quand j’avais 20 ans, tous les petits « ricains » qui faisaient la route en Europe et me voyaient me disaient « Hey, tu joues super bien. Tu pourrais faire carrière chez nous ! »…
Je n’ai pas obtempéré car je me contentais de mes petits groupes et de mon « starisme »  dans mon petit bled…
Du coup je n’ai jamais été le mec devant, j’ai toujours partagé.
Le fait d’être sideman et d’entourer l’autre avec tout ton savoir faire et tout ton amour est une chose passionnante.
D’ailleurs avec Bill Deraime nous ne pouvons pas nous passer l’un de l’autre. C’est un mariage réussi, nous nous apportons des choses mutuellement…
J’ai des morceaux que je pourrais enregistrer sous mon propre nom mais je n’ai pas l’argent pour. Il me faut travailler pour cela et comme je suis un « mercenaire de luxe » je travaille pour…
Cependant, pour répondre à des fans de mon entourage, je pense que je vais commencer l’enregistrement d’un disque instrumental dès la fin du mois de septembre.

Y’a-t-il une personnalité de la musique avec laquelle tu aimerais travailler ou une rencontre que tu as raté de peu ?
J’ai rencontré Robben Ford et Larry Carlton qui sont des musiciens réputés et que j’adore.
Par contre ces rencontres n’ont jamais pu se concrétiser sur disque ou sur scène…
C’est un grand regret, d‘autant plus que c‘était à deux doigts de se réaliser en 1989 avec Robben Ford…
J’ai aussi eu Eric Clapton à deux mètres de moi mais son manager a fait barrage…
Sinon je n’ai jamais vu Jimi Hendrix en live !
Tout simplement parce que je n’avais pas de tunes, gamin, pour aller de Meaux à Paris le voir sur scène…
J’étais un fils d’immigré rital et j’en veux encore énormément à mes potes de l’époque, des p’tits « bourgeois », qui ne m’ont pas prêté l’argent…
C’est donc mon rêve, je veux jouer avec Jimi Hendrix (rires) !
Si tu savais à quel point je l’aime, c’est incroyable tous les secrets qu’il y a dans son jeu. Ce qu’il a fait en 4 ans est phénoménal…

Toi qui as traversé de nombreuses périodes de l’histoire du Blues français. Comment jauges-tu sa popularité aujourd’hui ?
Ce qui m’embête c’est qu’on a l’impression que le Blues en France, aujourd’hui, c’est Johnny Hallyday.
Je l’aime particulièrement, surtout le mec en toute intimité car j‘ai eu l‘occasion de parler avec lui plusieurs fois…
Mais il faut que l’on se rende compte qu’il y a beaucoup d’autres musiciens de talent dont une nouvelle génération qui comprend des gars exceptionnels, y compris en province…
Il y a, malheureusement, de moins en moins d’endroits où ils peuvent s’exprimer. Par exemple depuis 3 ou 4 ans je ne trouve plus de lieu  pour y organiser une « jam sessions » hebdomadaire, comme je le faisais auparavant…

As-tu une conclusion à ajouter ?
Merci de m’avoir reçu, avec Charlie Fabert, j’espère que nous aurons bientôt l’occasion de revenir…

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Interview réalisée
au Studio de RDL Colmar
le 3 septembre 2008

Propos recueillis
par David BAERST

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